Alors que le gouvernement prévoit d’étendre les horaires de travail dans l’administration publique à partir du mardi 30 septembre, la mesure suscite un vif débat. Derrière l’objectif affiché d’améliorer la discipline et la productivité, de nombreuses voix rappellent que sans conditions de base décentes, il sera difficile d’espérer un véritable rendement.
Dans plusieurs administrations, les agents font face à des réalités qui relèvent du quotidien le plus élémentaire : manque de sanitaires, bureaux délabrés, manque de matériel et salaires dérisoires. « Il est illusoire de parler de productivité quand certains services n’ont même pas de toilettes fonctionnelles », déplore Naslati Houmadi. Un constat que partagent de nombreux fonctionnaires. Dans certains bâtiments, l’absence de sanitaires oblige les agents à s’arranger comme ils peuvent. « Derrière les bureaux, c’est devenu le seul endroit pour satisfaire nos besoins », confie avec amertume Hadji Saïd, contractuel dans l’administration.
Les conditions matérielles ne sont pas meilleures : bureaux bondés, manque de chaises, ordinateurs insuffisants, parfois pas une goutte d’eau disponible. « Comment demander plus d’efficacité quand dix agents se partagent trois chaises et qu’aucun ne sait exactement ce qu’il doit faire ? », s’interroge Karim Loutifi. À cela s’ajoute la question sensible des salaires. Un agent d’état civil gagne environ 60 000 francs comoriens par mois (moins de 150 euros), tandis que certains contractuels touchent à peine 80 000 francs (environ 160 euros). « Avec 60 000 francs, comment voulez-vous qu’un père ou une mère de famille reste motivé à travailler de 8h à 17h, sans eau ni toilettes ? », lance Salim Abdoulkarim, employée administrative.
Les femmes fonctionnaires sont particulièrement touchées. Certaines jeunes mères doivent rester au bureau jusqu’à 17 heures, sans infrastructures adaptées à leurs besoins. « C’est une double peine : nous sommes sous-payées et on nous impose des horaires plus longs alors que les conditions d’hygiène ne sont même pas assurées », déplore une agente de la douane. Beaucoup reconnaissent les efforts du gouvernement pour moderniser l’administration. Mais pour eux, les priorités sont ailleurs. « Le développement commence par l’eau, l’hygiène et la santé au travail, pas par l’allongement des horaires », insiste un représentant syndical.
Même constat du côté de la société civile : « Les réformes doivent être pensées en lien avec la dignité des travailleurs. Sans cela, elles resteront superficielles et inefficaces », souligne un observateur. Le débat reste donc ouvert. Plusieurs voix appellent désormais à l’organisation d’assises réunissant syndicats, fonctionnaires et autorités pour réfléchir collectivement, non seulement aux horaires, mais surtout aux conditions minimales de travail. En attendant, l’image des fonctionnaires contraints de travailler sans eau, sans sanitaires et avec des salaires insuffisants illustre les défis structurels de l’administration comorienne. Avant de parler de productivité, beaucoup estiment qu’il faudrait d’abord parler de dignité.
Mohamed Ali Nasra
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