Pour la première fois, le pays lance une mission scientifique d’envergure pour explorer ses propres fonds marins. En partenariat avec Nekton, organisation britannique spécialisée dans la recherche océanique, le gouvernement comorien ouvre une nouvelle page de la connaissance maritime avec First Descent : Comoros. L’idée est de sonder les profondeurs jusqu’à 900 mètres, étudier la biodiversité encore inexplorée et renforcer la place du pays dans la gouvernance mondiale des océans.
Sous la coordination du programme R-POC (Renforcement de la Protection des Océans aux Comores), cette mission rassemble 17 chercheurs comoriens et plusieurs experts étrangers. À bord du navire de recherche R/V Angra Pequena, les scientifiques cartographieront des zones encore vierges, notamment les récifs mésophotiques et les écosystèmes profonds. Le représentant du gouverneur de Ngazidja, M. Ibrahim Msaidié, souligne l’importance de cette initiative : « Pendant trop longtemps, les recherches sur nos eaux ont été menées de l’extérieur. Aujourd’hui, il s’agit de reprendre la main sur notre patrimoine maritime. Cette mission place nos scientifiques au cœur du dispositif pour produire des connaissances qui servent directement au pays. »
De son côté, le secrétaire général du ministère de l’environnement, Abdourahaman Ali Mroivili, ajoute : « L’État veut que la science serve la politique publique. Comprendre nos fonds marins, c’est aussi mieux planifier l’économie bleue et protéger les moyens de subsistance des communautés côtières. » L’expédition, qui dure du 6 octobre au 6 novembre prochain, vise à collecter des données inédites sur la composition et la dynamique des écosystèmes marins comoriens. Les chercheurs disposeront d’un ROV (véhicule sous-marin télécommandé), de caméras hautes définition et de plateformes de mesure fournies par le SAIAB (South African Institute for Aquatic Biodiversity). Pour le directeur du CNDRS, Dr Toiwilou Mze Hamadi, cette mission est un pas important pour la recherche nationale : « C’est la première fois que nos institutions travaillent à ce niveau de profondeur scientifique. Les données récoltées viendront enrichir notre base de connaissances sur la biodiversité marine et appuieront la création d’aires marines protégées. »
Symbole de fierté nationale, le cœlacanthe, ou Gombessa, occupe une place particulière dans cette mission. Ce poisson préhistorique, vieux de 410 millions d’années, fut redécouvert au large de la Grande Comore dans les années 1930. « Le Gombessa est un témoin exceptionnel de l’histoire naturelle de notre planète », explique le représentant du gouverneur de Ngazidja. « Nous voulons mieux comprendre ses comportements, ses zones de reproduction et les menaces qui pèsent sur lui. C’est un emblème vivant de la biodiversité comorienne. » Dr Lucy Woodall, chercheuse principale de Nekton et de l’université d’Exeter a précisé à son tour : « C’est la première fois que ces profondeurs seront observées par la science. Chaque découverte contribuera directement à l’engagement 30×30 des Comores et à la compréhension mondiale de l’une des régions océaniques les plus riches de la planète. »
La mission First Descent : Comoros s’inscrit dans une dynamique mondiale. En soutenant l’objectif de protéger 30% des eaux d’ici 2030, les Comores affirment leur leadership dans la conservation marine à l’échelle régionale. Comme le précise le secrétaire général du ministère : « Nous voulons que cette expédition soit un outil de décision, un levier pour la création d’aires marines protégées et un signal fort avant la COP30 au Brésil. » L’expédition sera également un laboratoire de coopération entre institutions comoriennes et partenaires étrangers : l’Université des Comores, le CNDRS, l’Agence des Parcs, CORDIO East Africa, WildTrust, SAIAB, l’Université d’Exeter, et la Fondation Nekton.
Au-delà des résultats scientifiques attendus, c’est une aventure humaine et symbolique. Elle marque la volonté d’un petit État insulaire de maîtriser la connaissance de son environnement et d’en faire un moteur de développement durable. « Explorer notre propre océan, c’est affirmer notre souveraineté scientifique », conclut le représentant du Gouverneur. « C’est un acte de confiance en notre jeunesse, en nos chercheurs et en notre avenir. » Pour un archipel dont la mer est à la fois ressource, héritage et promesse, cette plongée dans les profondeurs s’annonce comme une descente vers la connaissance et la fierté nationale.
Mohamed Ali Nasra
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