Dans un entretien accordé à La Gazette des Comores, le chercheur Haddad Salim Djabir, directeur régional du CNDRS à Mohéli, revient sur l’évolution du système éducatif comorien depuis les années 1990. Il appelle à une refonte en profondeur de l’école, pour qu’elle forme des citoyens capables de transformer la société et répondre aux défis du développement durable.
Question : Que peut-on retenir de l’expérience sociale de la scolarisation aux Comores depuis les années 1990 ?
Haddad Salim Djabir : Il faut d’abord souligner l’impact significatif qu’ont eu les investissements du Fonds d’Appui au Développement Communautaire (FADC) dans les années 1990. Ces investissements ont fortement contribué à la scolarisation en milieu rural, en rapprochant l’école des communautés. Cette dynamique a favorisé une interaction enrichissante entre l’école et la société, avec un effet notable sur la scolarisation des filles. Plus tard, le Projet d’Appui au Secteur de l’Éducation (PASEC) est venu consolider les acquis du FADC, nous permettant de dépasser les 100% de taux brut de scolarisation au primaire. Toutefois, cette expansion quantitative pose aujourd’hui la question de la qualité de l’enseignement dispensé.
Question : Vous parlez d’une demande sociale en pleine croissance. Quelles en sont les implications ?
H.S.D : La demande sociale pour l’éducation ne cesse de croître aux Comores. Cela témoigne d’une prise de conscience de l’importance de l’école dans le développement. Mais cette croissance rapide doit être accompagnée d’un questionnement profond sur les investissements éducatifs et leur efficacité. L’éducation de qualité ne doit pas être sacrifiée au profit de la seule massification. C’est pourquoi il est crucial de mieux articuler nos efforts éducatifs avec les résultats de la recherche scientifique.
Question : Quels sont, selon vous, les défis majeurs à relever aujourd’hui dans le système éducatif comorien ?
H.S.D : Plusieurs défis se posent. Il faut notamment repenser la gestion des ressources humaines dans le secteur de l’éducation. Les conditions de travail des enseignants, la formation initiale et continue, mais aussi la motivation professionnelle, doivent être examinées de près. Il ne suffit plus de faire une auto-évaluation du système ; il faut des diagnostics objectifs, ancrés dans la réalité du terrain. C’est à cette condition que nous pourrons bâtir une scolarisation tournée vers l’avenir.
Question : Quelles perspectives proposez-vous pour l’avenir de l’école comorienne ?
H.S.D : L’expérience sociale de la scolarisation aux Comores doit nous permettre de mieux orienter nos politiques éducatives. Il est temps de recadrer les objectifs et les pratiques scolaires, en visant une éducation intégrée, de qualité. Il faut sortir d’une logique quantitative pour aller vers un enseignement capable de répondre aux enjeux du développement durable et à la digitalisation mondiale. L’école doit former des citoyens dotés de compétences utiles, capables d’impulser un véritable changement de société. Cela implique des investissements éducatifs cohérents, portés par l’État comorien, avec l’appui de ses partenaires internationaux.
Question : Vous insistez sur le lien entre éducation et transformation socio-économique. Pourriez-vous préciser ?
H.S.D : Absolument. L’éducation ne doit pas seulement transmettre des connaissances ; elle doit préparer les élèves à devenir des acteurs du changement. Il s’agit de développer des esprits critiques, créatifs, ouverts à l’innovation scientifique. La scolarisation doit donc être pensée comme un levier de transformation socio-économique. C’est dans cette optique que les interventions des partenaires techniques et financiers devraient s’inscrire, pour renforcer la finalité éducative portée par l’État comorien.
Riwad
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