La Gazette

des Comores

Affaire Salami : La juge abandonne la charge de complicité de meurtre

Affaire Salami : La juge abandonne la charge de complicité de meurtre © : HZK-LGDC

Le gouverneur déchu d’Anjouan, Abdou Salami Abdou, ne sera pas jugé pour complicité de meurtre et port illégal d’armes. C’est ce que révèle son dossier d’instruction que La Gazette des Comores a pu consulter. La juge d’instruction près de la Cour de sureté de l’État a retenu par contre les chefs d’inculpation d’atteinte à l’unité nationale, participation à un mouvement insurrectionnel et troubles à la sécurité publique.


La date du procès du gouverneur déchu d’Anjouan Abdou Salami Abdou n’est toujours pas connue. Celui qui est poursuivi par la Cour de sureté de l’État affiche 3 ans au compteur, jour pour jour, depuis qu’il est placé en détention provisoire le 25 octobre 2018 pour, dans un premier temps, « atteinte à l’unité nationale, participation à un mouvement insurrectionnel, complicité de meurtre, rébellion, port illégal d’arme et troubles graves à la sécurité publique ». Mais l’ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi rédigée depuis le 10 septembre 2019 par la juge d’instruction près de la Cour de sureté de l’État, Mme Noura Oussene, nous apprend que le gouverneur déchu n’est poursuivi, dorénavant, que pour « atteinte à l’unité nationale, participation à un mouvement insurrectionnel et troubles à la sécurité publique ».

 

Dans l’ordonnance de renvoi que nous avons pu consulter dans quasiment son intégralité, l’on y a lu que le gouverneur Salami « niait toute implication dans les préparatifs et le déroulement de cette rébellion ». En revanche, il « affirmait avoir remis à son secrétaire général la somme de 2.000.000Fc en vue du déplacement de leurs sympathisants des différentes localités vers Mutsamudu pour une marche pacifique suivie d’un sit-in de trois jours à la place Mroni ». Le secrétaire général du gouvernorat n’est autre qu’Abdallah Mohamed, un personnage au rôle trouble, qui, dans la foulée de la déchéance de Salami le 25 octobre, sera désigné par le pouvoir central pour lui succéder jusqu’au mois de mai 2019 où il a dû passer le témoin au nouveau gouverneur élu à l’issue des élections anticipées de mars et avril.

 

Au mois d’octobre 2018, le gouverneur d’Anjouan, Abdou Salami Abdou du parti Juwa dont l’ancien raïs Ahmed Abdallah Mohamed Sambi est le président d’honneur, décida de s’opposer activement contre la nouvelle Constitution issue du référendum du 30 juillet qui mettait en jeu les mandats du chef de l’État et des gouverneurs des îles, sachant que la tournante aurait dû échoir à l’île d’Anjouan en 2021. Cette nouvelle loi fondamentale boycottée par la quasi-totalité de l’opposition remettait les compteurs à zéro et offrait 10 ans de tournante à l’île de Ngazidja avec des élections présidentielle et gubernatoriales anticipées de 2019.

 

Un combat de la dernière chance pour l’ancien gouverneur d’Anjouan, dans un contexte où le faiseur de rois, Sambi, est mis en détention provisoire en août après avoir été mis sous résidence surveillée en mai. D’aucuns voulaient bien croire que pour Salami, son statut de gouverneur en exercice allait le protéger de l’impétuosité du pouvoir central décidé, envers et contre tous, à aller jusqu’au bout. L’on ne peut, en tout cas, reprocher à quiconque d’avoir violé une immunité qui n’existait pas pour les gouverneurs, du moins celui de Ndzuani, la loi statuaire variant d’une île à une autre à cette époque où existaient encore les parlements insulaires ou Conseils des îles autonomes de leur appellation officielle.

 

Avant de se rendre aux autorités depuis sa tanière chez son ami médecin Mohamed Soilihi où il s’était discrètement rendu le soir du 14 octobre « pour se rapprocher du lieu de rassemblement car il était prévu de barricader les routes » sur toute l’étendue de l’île, Salami avait fait face à des accusations les unes plus graves que les autres. Des ténors du pouvoir affirmaient alors détenir des images dans lesquelles il distribuait des armes à feu dans une mosquée « pour le djihad ». Lesquelles armes, selon d’autres sources citées dans le dossier d’instruction, lui auraient été livrées dans des caisses à son domicile. D’autres barons affirmaient pour leur part qu’il s’était caché dans une grotte dans la médina alors que celle-ci était quadrillée de toutes parts par des militaires armées jusqu’aux dents. Mais l’enquête remettra les pendules à l’heure concluant, à contrario, que « des témoignages concordants prouvent de manière irréfutable qu’Abdou Salami Abdou ne s’était jamais rendu à la médina » lors de l’insurrection. La responsabilité des deux morts qu’ils y a eues pendant cette révolte lui avait été, logiquement, imputée. Mais au fur et à mesure que l’enquête progressait, la justice a décidé, faute de preuve, d’abandonner les charges de « complicité de meurtre, rébellion et port illégal d’arme ». Quant aux faits d’ « atteinte à l’unité nationale, participation à un mouvement insurrectionnel et troubles à la sécurité publique », la juge d’instruction estime qu’ils sont « suffisamment établis ».

 

Trois ans après cette détention provisoire dont le délai légal est largement dépassé, deux ans après la fin de l’instruction, aucune date n’est prévue pour son procès. Le procureur de la République de Moroni, qui est aussi le Commissaire du gouvernement près de la Cour de sureté de l’État avait annoncé à la presse qu’il dévoilera le calendrier des procès relevant de la Cour de sureté de l’État « avant la fin du mois de septembre » 2021. Le gouvernement avait, lui, annoncé en amont l’ouverture du procès de Salami « au mois de septembre », et celui de Sambi « avant la fin de l’année ». Encore faut-il que nos autorités fassent preuve de sérieux pour être crédibles. En effet, beaucoup d’affaires notamment judiciaires entretiennent doute et scepticisme à cause justement d’une parole officielle dépourvue de toute valeur, et révèlent in fine que le sort de celles et ceux qui sont privés de leur liberté, injustement pourrait-on être tenté de croire après tant d’années sans procès, semble être le cadet des soucis de nos gouvernants.

 

TM

 

 


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