Le procès de quatre journalistes comoriens s’est ouvert ce 22 juin. Ils sont visés par une plainte pour « diffamation et injure » émanant d’un cadre de l’Office de radio et de télévision des Comores (ORTC). Dans son réquisitoire, le parquet de la République requiert un an d’emprisonnement dont trois mois fermes et une interdiction d’exercer pour les journalistes. L’avocat d’Andjouza Me Fahmi Said Ibrahim montre que le réquisitoire lui a paru excessif.
Andjouza Abouheir de La Gazette des Comores, Abdallah Mzembaba, correspondant de RFI aux Comores et journaliste à Al-watwan étaient à la barre ce 22 juin, après un premier report de leur procès initialement prévu fin mai. Est également convoqué le directeur de l’information de l’Office de radio et de télévision des Comores (ORTC) et président de la section locale de l’Union internationale de la presse francophone, Toufé Maecha. Membres du syndicat des journalistes, ils sont tous visés par une plainte pour diffamation d'un cadre supérieur de la télévision nationale, Hablani Assoumani. Me Fahmi Said Ibrahim, l’avocat d’Andjouza montre que le réquisitoire du parquet de la République lui a paru excessif. « Effectivement, demander à ce que qu’un journaliste soit empêché d’exercer pendant un an peut laisser penser que le parquet cherche à museler la journaliste. C’est un peu excessif. Et puis, solliciter un an d’emprisonnement pour une diffamation est pour le moins étonnant. Mais rassurez vous, ce n’est que le réquisitoire du parquet, je fais confiance à la juridiction de jugement », déclare-t-il.
Le 17 janvier 2023, lors de la cérémonie de présentation des vœux de Beit Salam aux médias, Andjouza Abouheir, vice-président du syndicat a dénoncé des faits supposés de « harcèlement sexuel » commis par un cadre de l’ORTC sur des femmes journalistes travaillant à la télévision nationale. « Sur le fond, les éléments constitutifs du délit de diffamation ne sont pas réunis. Pour que ce délit puisse être constitué, il faut impérativement que la victime soit clairement identifiée. Or, de l’aveu même de Hablani, et à la lumière des débat, il a été clairement établi que le nom de Hablani n’a, en aucun moment, été cité, pas un seul instant, par la vice-présidente du syndicat à l’occasion de son discours », poursuit-il.
« Comment peut-on soutenir dans ces conditions qu’il y a eu diffamation ? Et même si le nom de Hablani avait été cité, dès lors que le discours a été prononcé « en qualité » de vice présidente du syndicat des journalistes et non « in personam », c’est le syndicat qui aurait dû être poursuivi puisque le discours n’est pas l’œuvre de ma cliente. Je rappelle qu’il est désormais possible de poursuivre pénalement une personne morale. C’est une des réformes majeures qui a été introduite dans le code pénal comorien », ajoute-t-il.
De son côté, le Syndicat National des Journalistes Comoriens (SNJC) juge le ré réquisitoire inique et foncièrement partial. « Nous nous serions attendus à ce qu’il enquête durant ces 6 mois ainsi il aurait eu la latitude de démêler le vrai du faux. Ce n’est à l’évidence pas le cas. Dans les pays où la justice se porte mieux, c’est ce qui se serait passé. Le syndicat espère néanmoins que le tribunal ne suivra pas ses réquisitions. Empêcher un journaliste de faire son travail est une entrave manifeste à la liberté de la presse et à la liberté d’expression », souligne Faiza Soulé Youssouf, la président du SNJC. Selon elle, le parquet a une vision étrange et pour le moins passéiste de notre profession et cela fait peur. « Pour lui, nous ne devrions dire que ce qui va, autrement c’est porter atteinte à l’image du pays. Les journalistes ne portent pas atteinte à l’image du pays, une récrimination seulement entendue dans les pays comme les Comores où la démocratie est au mieux une belle espérance », ajoute-t-elle. « Dans le discours du syndicat lu par la vice-présidente, personne n’a été cité, aucune indication n’a été fournie sur la ou les personnes qui s’adonneraient à ce genre de pratiques à l’Ortc », enchaine-t-elle. Le syndicat réitère son soutien à sa vice-présidente qui a été courageuse à la barre et à tous les journalistes injustement mis en cause dans ce dossier.
En tant que femme et journaliste, la présidente de l’association des femmes journalistes aux Comores Mariata Moussa se dit surprise qu’en 2023 aux Comores, le parquet requiert des peines d’emprisonnement fermes pour des délits de presse. « Cette réquisition met à mal l’appel à la dépénalisation des délits de presse que les organisations des journalistes appellent sans cesse. Aujourd’hui, on se rencontre que la liberté d’expression et d’exercice dans notre pays est toujours compliqué. Et cela est vraiment dommage pour un pays qui se dit démocratique que des journalistes se trouvent menacés d’être mis en prison pour avoir exercé leur travail », soutient-elle. Et d’ajouter : « Sans entrer dans les détails d’une éventuelle condamnation suite à des suppositions car il s’agit des suppositions des faits. En aucun moment, les personnes citées dans cette affaire n’ont pas mentionné le nom du plaignant. Mais c’est le plaignant s’est senti visé lui même. Mais comment le parquet peut aujourd’hui poursuivre des personnes pour des suppositions ».
ASB
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