La Gazette

des Comores

Rassemblement du 17 octobre : Rilemewa face à un mur policier

Rassemblement du 17 octobre : Rilemewa face à un mur policier © : HZK-LGDC

Le mouvement Rilemewa comptait occuper l’esplanade du conseil de l’île vendredi 17 octobre contre l’injustice sociale, mais la forte présence des forces de l’ordre a laissé une place de l’Indépendance déserte, ou presque.


L’appel du mouvement Rilemewa pour protester contre les injustices sociales n’aura pas été suivi, et pour cause. La place de l’Indépendance de Moroni prévue pour accueillir la manifestation a été quadrillée par les forces de l’ordre avec qui les citoyens qui souhaitaient répondre présents après la prière du vendredi se sont retrouvés nez-à-nez avec les policiers. Beaucoup ont alors discrètement modifié leur trajectoire, tandis qu’une poignée, sans doute les plus courageux, a tout de même rejoint la terrasse du Conseil de l’île. Ils étaient moins d’une dizaine, les infiltrés issus des forces publiques compris.

 

Il faut dire que les manœuvres d’intimidation ont commencé bien avant le jour J. Dès mercredi, les meneurs du mouvement avaient été arrêtés et placés en garde à vue à la gendarmerie de Moroni. Parmi les sympathisants du mouvement, il y en qui n’en ont eu connaissance qu’une fois sur place, pris de court par les évènements. « J’ai vu l’appel relayé sur les réseaux sociaux et j’y ai répondu. Mais à peine arrivé, j’ai appris à mes dépens que ceux qui ont lancé l’appel ont été arrêtés. Bâillonner les citoyens c’est une pratique contraire à l’état de droit. Mais ces manouvres ne nous décourageront pas pour autant », réagit Zainoudine Maoulida auprès de La Gazette des Comores. Notre interlocuteur est venu de Hamahamet, au nord-est de Ngazidja.

 

Si pour lui la forte présence des forces de l’ordre traduisait une mesure de sécurisation des manifestants, Mohamed Rafsandjani, lui aussi venu pour manifester « en tant que citoyen », y voit tout le contraire. « Vu le climat politique actuel, ils sont là pour dissuader les citoyens. Malheureusement, beaucoup d’entre nous sont ceux qui se laissent intimider », croit-il. Pour contourner cette peur qu’il estime sciemment instillée par les autorités, Rafsandjani propose que les leaders politiques, de la société et d’opinion prennent la tête du cortège. Leur présence, selon lui, rassurerait les autres citoyens. Inspiré, semble-t-il, par les nouvelles formes de mobilisation initiée par la Gen Z à Madagascar, il suggère aussi un changement de stratégie pour parvenir à mobiliser et aboutir aux résultats escomptés. « Si la contestation commence dans nos villages, nous pourrons, au fur et à mesure, converger vers la symbolique place de l’Indépendance. Franchement, il n’est pas nécessaire de commencer par ici ».

 

Si le rassemblement ne s’est pas déroulé comme prévu, ses meneurs ont, quant à eux, été relâchés dans la foulée, dans l’après-midi du vendredi. A mesure que la peur devient une stratégie politique, la rue pourrait bien redevenir, malgré elle, le dernier refuge du dialogue citoyen. Les manifestations spontanées des 17, 18 et 19 janvier 2024 devraient, à ce titre, servir de piqure de rappel à ceux qui, au sommet de l’État, oublient que la liberté de manifester pacifiquement est un droit constitutionnel.

 

Toufé Maecha

 


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