Un cabinet médical dissimulé dans une maison à Moroni Hadoudja est pointé du doigt par son insalubrité et sa clandestinité. La situation est d’autant plus grave que le praticien, un anatomo-pathologiste de formation, fait face à des accusations de patientes concernant des gestes déplacés lors d’examens.
Derrière une maison ordinaire perchée en hauteur, au-dessus d’un magasin d’optique, au nord de la capitale, se trouve un cabinet médical dont presque rien n’indique l’existence. Pour s’y rendre, il faut quitter la route principale, emprunter un passage secondaire et demander son chemin aux habitants du quartier. Une fois arrivé, aucun panneau, aucune indication visible : seule une porte de maison s’ouvre sur ce qui se veut un espace de soins.
Selon plusieurs sources et des images à notre disposition, l’intérieur surprend immédiatement. La pièce est minuscule et mal entretenue, avec une forte odeur d’humidité stagnante. Le sol est sale, et des cafards et des souris y circulent librement. Sur les murs, des toiles d’araignée. Des documents médicaux feuilles d’analyse, ordonnances, résultats, papiers administratifs sont éparpillés sur une table et même par terre. Certains bocaux contenant d’anciens prélèvements reposent dans un coin, mal refermés ou souillés. Sur la table d’examen, plusieurs instruments sont posés sans aucune protection, parfois encore tachés, comme s’ils n’avaient pas été correctement nettoyés. Tout, dans cet environnement, évoque un lieu négligé plutôt qu’un espace manipulant des examens sensibles.
Pourtant, le praticien que nous avons contacté au téléphone, répondant au nom de Dr Halifa Youssouf, anatomo-pathologiste inscrit à Conseil national de l’ordre des médecins depuis 2001, n’est pas un inconnu. Formé en médecine générale à Madagascar au début des années 2000, il a ensuite poursuivi une spécialisation en anatomopathologie au Sénégal, avant de compléter certains modules à Paris, notamment dans un établissement de référence en cancérologie. Il a par la suite occupé d’importantes responsabilités au laboratoire de l’hôpital El-Maarouf, qu’il a dirigé durant plusieurs années avant d’être viré pour des raisons encore floues. L’intéressé rappelle qu’il est le seul médecin du pays ayant une formation approfondie en anatomie et cytologie pathologiques.
Mais ce parcours académique solide qui devrait inspirer confiance, contraste radicalement avec les pratiques rapportées aujourd’hui et les conditions d’exercice constatées sur place. Ce sont surtout les témoignages de patientes qui soulèvent les inquiétudes les plus graves. Au moins deux femmes affirment que pendant un examen, le praticien a eu recours à des gestes déplacés...Le Dr Halifa rejette ces accusations d’un revers de la main. S’il concède qu’il peut arriver que sa main soit en contact avec le sexe de la patiente, il explique en revanche que c’est « par nécessité » afin de mieux introduire le spéculum pour les besoins du prélèvement. Comme pour dissiper tout malentendu, il affirme par ailleurs qu’il « porte toujours des gants » pour procéder à l’examen.
Quant à l’hygiène qui laisse manifestement à désirer, l’anatomo-pathologiste l’admet sans réel gêne. Après avoir esquissé un sourire, il avance : « Je n’ai pas d’assistant et je peux faire trois jours sans recevoir [de patiente] ». C’est l’excuse qu’il sort pour justifier le désordre et l’insalubrité dans une structure aussi sensible où sont effectués des prélèvements et des analyses. Contactée par nos soins via un numéro qu’elle connait, la vice-présidente du Conseil national de l’ordre des médecins exige « une demande officielle » avant de fournir toute information ou commentaire sur le praticien en question. Au nom de la protection de la santé publique et de la déontologie, l’Ordre devrait agir de sa propre initiative et ouvrir une enquête approfondie les conditions d’exercice de Dr Halifa Youssouf.
Mohamed Ali Nasra et Toufé Maecha
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