Depuis quelques temps, les côtes comoriennes sont confrontées à l’arrivée de cohortes de migrants qui « voient leurs bateaux échouer » dans nos rives. En l’espace de trois mois, Mitsamiouli dans le Nord de la grande Comore a accueilli à deux reprises sur ces cotes, des bateaux en provenance de l’Est africain. Ce phénomène de plus en plus continu pourrait bien connaitre son intensité avec les crises qui se multiplient un peu partout en Afrique, plus particulièrement dans la région des Grands lacs.
Les Comores, connus pour être un pays d’émigration par excellence, assistent impuissamment aujourd’hui à l’arrivée de flux de plus en plus importants eu égard à la démographie de l’archipel. A vraie dire, ces arrivées sont hasardeuses et accidentelles car d’après les dires des uns et des autres, la destination finale visée par ces migrants est bien, l’Ile sœur de Mayotte où les conditions de vies semblent un peu plus attractives.
Les migrations sont sans doute un des phénomènes sociodémographiques les plus anciens, leur origine remonterait certainement à celles de l’homme sur terre. Ce nomadisme a toujours fait partie de la nature humaine depuis la nuit des temps. Il a évolué au fil du temps au point de devenir un véritable phénomène mondial très préoccupant, populairement connu de nos jours sous l'appellation « migration ».
Aujourd’hui encore, de nombreuses personnes à la recherche d’emplois, d’éducation ou pour fuir un environnement qu’ils trouvent défavorable, quittent leurs territoires à la recherche d’un ailleurs meilleur et protecteur. La majorité de la population mondiale vit là où les capacités à utiliser cette main d’œuvre sont pour le moment très limitées. Par conséquent, les pressions à l'émigration en provenance de ces régions seront l'un des problèmes de développement les plus pressants des prochaines décennies.
Par ailleurs, avec la multiplication des foyers de conflits et la pauvreté persistante dans certaines régions du monde, la tendance des migrations internationales pourrait se maintenir dans les années à venir. Contrairement à ce qui se dit ici et là et qui est véhiculé par les médias, nous constatons que le taux de population migrante est proportionnel à la population mondiale et se situe autour de 3%. Les flux de migration sud-sud (entre les pays en développement) ont continué à croître par rapport aux flux Sud-Nord (depuis les pays en développement vers les pays développés).
Les facteurs à l’origine de l’émigration
Les opportunités économiques limitées, les conflits, les gouvernements répressifs, l’augmentation du nombre de jeunes et le changement climatique sont les principaux facteurs à l’origine de l’arrivée de beaucoup de migrations. Dans certains pays, les migrants représentent plus de 60 % de la population, c’est le cas des Émirats arabes unis, de Guam, de Macao, de Monaco, de Qatar et du Vatican. Les pays d’accueil dont les principaux sont les États-Unis, la Russie et l’Allemagne ne représentent que 12 % des nations du monde et concentrent 75 % des migrants. La Chine, l’Inde et les Philippines sont les principaux pays de provenance des migrants. À taux d’immigration identiques, les taux d’émigration actuels sont très inférieurs à ceux du XIX ème siècle et, l’Afrique n’est pas encore un foyer d’émigration de masse. Comme on peut le remarquer, en réalité, malgré toute la médiatisation faite sur l’Afrique et l’Europe concernant la migration dans le monde, elles ne sont ni celles des pays d’origine des migrants ni à la tête des pays d’accueil.
Les migrations à l’intérieur du continent africain
Le déclenchement d’un conflit entre factions militaires au Soudan en 2023, par exemple, a entraîné 6 millions de déplacements transfrontaliers supplémentaires. Cela s’ajoute aux mouvements de population générés par les conflits au Soudan du Sud, en RDC, en République centrafricaine et en Somalie, entre autres.
L'un des aspects les plus frappants des migrants internationaux en Afrique, c’est que la plupart se déplacent à l'intérieur de la région. En réalité, les migrants subsahariens se tournent peu vers l’Europe. Ainsi 70 % des émigrés ouest-africains restent en Afrique. 61 % d’entre eux privilégient les pays de la sous-région alors que 15 % seulement se dirigent vers l’Europe et 6 % vers l’Amérique du Nord (Beauchemin, Lessault, 2014).
Migrations africaines et envois de fonds vers le continent
Les transferts de fonds de la diaspora africaine vers le continent se sont chiffrés à 65 milliards $ en 2017, a indiqué un rapport de l’African Institute for Remittances (AIR). Selon les informations révélées, ce montant qui représente plus du double de l’aide publique au développement pour l’Afrique (29 milliards en 2017) profiterait à plus de 120 millions d’Africains vivant sur le continent (Agence Ecofin, 2018). Globalement, les transferts des fonds des migrants vers l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne sont passés de 34 milliards de dollars en 2016 à 38 milliards de dollars en 2017, grâce notamment à la reprise de l’économie mondiale et à la remontée progressive des prix du pétrole (Agence Ecofin, 2017). Les migrations africaines continuent de subir des pressions persistantes à la hausse, prolongeant un scénario qui dure depuis 20 ans. Les opportunités économiques limitées, les conflits, les gouvernements répressifs, l’augmentation du nombre de jeunes et le changement climatique sont les principaux facteurs à l’origine de l’arrivée d’environ un million de nouveaux migrants au cours de l’année écoulée. Ces chiffres s’ajoutent aux 43 millions de migrants africains estimés au total.
Dr Youssouf Mohamed Youssouf, Sociologue et Socio-économiste
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