La Gazette

des Comores

Habari za udunga: Questionnements

Habari za udunga: Questionnements © : HZK-LGDC

L’arrêté qui « cède » une partie du territoire à un « groupe » appartenant à un individu dont le profil sur Linkedin ne liste comme expérience récente et pertinente que les activités qu’il aurait mis en œuvre aux Comores durant les 2 dernières années a de quoi soulever des questions qui touchent en premier lieu le sort des habitants de la région de Nioumachouoi-Wallah-Miremani, ainsi que les objectifs, non connus, du projet et, plus inquiétant, son financement au montant aussi impressionnant que les 150 millions d’euros que la France aurait promis d’apporter au développement du pays dans les 3 années à venir !


Il n’a fallu que cet arrêté pour que M. Andrea Carrano mette en ligne son expérience, profil qui n’existait pas avant la publication du projet dans les journaux comoriens! Comment les autorités peuvent-elles faire preuve de légèreté et hypothéquer une partie du patrimoine du pays et laisser sa population dans l’expectative ?

Par ailleurs l’arrêté nous apprend que le « groupe » a signé une convention avec le gouvernement en décembre 2018. Qu’est-ce que le gouvernement a donc fait depuis ce temps-là pour consulter et informer les élus et les habitants de la commune concernée, les élus de la nation et le public en général pour recueillir leur point de vue sur un projet de cette envergure ?

L’ANPI nous apprend que « une étude d’impact environnemental est faite », comme cet aspect est le seul à être pris en compte. Les normes internationales en matière de développement requièrent en premier lieu d’évaluer l’impact social de toute intervention de l’état. Le projet en question n’étant pas publié, étape qui est un prérequis dans les consultations publiques que requière une évaluation de l’impact social d’un projet, on est en droit de se demander si M. Carrano va extrader et déplacer la population de la région « cédée », et où compterait-il la relocaliser et avec quelles compensations ?

Mis à part l’aspect fondamental du droit foncier du pays, que nous savons extrêmement complexe, avec ses interrogations sur le domaine public de l’état, et générant souvent des conflits sociaux, M. Carrano doit nous expliquer comment il compte s’y prendre pour appréhender ces conflits potentiels, car signer un arrêté est une chose, renforcer son application en est une autre.

Enfin, et ici il y a de quoi interpeller nos juristes, économistes et autres spécialistes en développement économique et social, comment M. Carrano, avec un capital de 15.000 euros (7.5 millions de FC) compte-t-il financer son projet de 148 millions d’euros et dans quels buts certaines infrastructures prévues dans son projet, par exemple des plateformes d’héliport, sont-elles projetées ?

La pointe de Nioumachouoi est à 350 km de la ville de Pemba dans la province de Cabo Delgado au Mozambique voisin, région riche en gaz naturel dont l’exploitation génère beaucoup de tensions politiques et sociales, aboutissant jusqu’à un scandale financier étatique dans ce pays qui a poussé le FMI et les bailleurs à mettre notre voisin en quarantaine en matière de financement. Pour notre pays, il n’est plus à cacher que ces ressources existent aussi dans nos eaux territoriales et pourraient même se trouver sous nos frontières maritimes avec le Mozambique. Le gouvernement a-t-il analysé cette situation vis-à-vis de ce projet et est-il conscient des effets collatéraux potentiels ?

Est-il enfin nécessaire, de rappeler que l’ile Maurice, que nos dirigeants sont prompts à citer comme exemple à suivre en matière de développement, sans qu’il ne prennent le temps d’analyser le parcours solide en matière de gouvernance que ce pays a suivi depuis son indépendance, chose qui n’est absolument pas comparable avec ce qui a été mis en place aux Comores depuis 1975, a été isolé pendant au moins dix ans dans les années 1980 par les bailleurs de fonds pour cause de blanchiment d’argent provenant de toutes parts ? Est-ce dans ce sens-là que M. Carrano veut nous projeter ?

Mmagaza

 


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