En ouverture du concert d'Eliasse Ben Joma au CCAC, les artistes comoriens se sont réunis pour discuter autour de l'avenir des arts et de la culture comorienne. Peintre, chanteur, cinéaste, comédien, plasticien et autres ont tenté, dans la cour de ce lieu de culture de savoir si "être un artiste est un métier". Et tous sans exception estiment que sans le soutien de l'État, l'art n'aura aucun sens ni importance car "continuera à se faire dans l'informel".
En tournée pour la présentation de son nouvel album, "Amani Way" sorti en septembre 2019, Eliasse Ben Joma était de passage à Moroni pour un concert qui a eu lieu au Centre Culturel et Artistique des Comores (CCAC-Mavuna). L'occasion pour l'artiste au talent international de rencontrer les artistes locaux. Une discussion sous le thème « être un artiste est un métier » a permis aux artistes de réfléchir comment mettre en valeur le métier d'artiste aux Îles de la Lune. Bien qu'indirectement, cette rencontre s'inscrit dans le cadre d'un travail de validation du Rapport Périodique Quadriennal (RPQ) de l'UNESCO en cours en Union des Comores avec comme objectif de voir les voies et moyens de formalisation du secteur artistique. De part et d'autre, les acteurs du secteur présents à la réunion ont présenté chacun son point de vue. Des positions peu divergentes qui ne consistaient qu'à atteindre l'objectif de cette assemblée.
Soumette Ahmed, directeur de ce lieu de culture et comédien professionnel montre qu’il est avant tout question de déterminer les défaillances et trouver les clés pour qu'un artiste puisse vivre de sa création comme le font un petit nombre aujourd'hui à l'instar de Cheikh Mc, Picasso, Fouad du Comores Comédie Club (CCC) ou lui même en tant que comédien. « Si nous avons décidé de tenir cette réunion avec Eliasse, c'est pour qu'il nous apporte son expérience pour que d'autres ici présents puissent s'en servir pour réussir », explique-t-il.
Pour cette deuxième tentative de réunion avec l'ensemble des artistes comoriens après une première en 2011 à l'Alliance Française de Moroni qui avait commencé à donner ses fruits, Eliasse affirme que la meilleure chose à faire est d'apprendre à pêcher et non de recevoir des poissons en cadeau. Pour lui, il faut plus de partage, de discussion, de débat et de rencontre entre les artistes pour que ce travail apporte ses fruits. « Ce n'est pas parce qu'on vient de là-bas qu'on peut tout donner car d'ici, nous avons beaucoup à apprendre », affirme-t-il. Eliasse se demande encore une fois sur ce qui bloque les artistes comoriens. « Qu'est-ce qui fait qu'on n'arrive pas à tourner, à bouger ? Pourquoi Cheikh, Soumette, Picasso et pas un autre? », s’interroge l'auteur de Amani Way.
Bien que tous reconnaissent qu'il n'est pas facile d'être artistes aux Comores, d'autres comme Cheikh Mc exprime ce manque de considération des autorités politiques malgré le travail entrepris par un grand nombre de jeunes dans la création et la production artistique. Le parrain du rap comorien estime qu'il faut avoir de l'intelligence à défaut des lois pour leur protéger. « Il faut trouver une stratégie pour vivre du numérique comme c'est le cas dans le monde d'aujourd'hui », lance-t-il. Quant à Abdallah Chihabidine, ancien directeur des arts et de la culture, grand artiste de la musique rappelle que les lois existent mais qu’il manque de dynamisme et de volonté artistique pour faire appliquer ces lois. « Les artistes opèrent dans l'informel. Il faut se respecter, se battre et être en mesure d'apporter un petit plus », profère l'ancien gérant de Studio1. Tous estiment qu'il faut « se prendre en main, y croire à son art, s'unir, aider sur le peu qui existe et continuer à prôner pour que l'État apporte sa contribution car sans l'apport de l'Etat, aucune culture n'est possible ».
A.O Yazid
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