La Gazette

des Comores

L’art discret de Daniel Toilha

L’art discret de Daniel Toilha © : HZK-LGDC

Dans un coin reculé de Mutsamudu à Ndzouani, un artiste visionnaire s’épanouit dans l’ombre des institutions. Daniel Toilha, connu sous le surnom poétique de « l'homme aux mains d'or », est un jeune créateur dont l’imagination semble transcender le temps et l’espace. Dans son petit atelier en tôle, qui pourrait sembler sommaire à un observateur inattentif, se niche un univers foisonnant de talents, où chaque objet raconte une histoire. « Je suis né dans ce monde et je me suis noyé dans une lave de sueur pour être ce que je suis. Je ne m'en souviens pas quand j'ai débuté », raconte Daniel Toilha.


En poussant la porte de son atelier, un capharnaüm organisé de cartons empilés révélant plus d’une centaine d’articles artistiques attire le regard et pousse loin la curiosité. Des palais royaux minutieusement sculptés à la main, tels que le majestueux Ojoumbe, côtoient les répliques de l’ancienne mosquée de Badjanani. Chaque pièce, façonnée avec soin, témoigne de l’héritage culturel et artistique de l’archipel comorien. Nous découvrons également une myriade d’objets du quotidien sublimés par l’esprit créatif de Daniel Toilha. Des assiettes anciennes, des lampes à pétrole, et divers accessoires, porte-clés en bois et coiffeuses en coquille de noix de coco, s'éparpillent avec délicatesse.  « Vous voyez ces chars blindés, cet hélicoptère », s'exclame-t-il avec fierté, désignant ses créations en miniature. « Tout cela a été fabriqué par mes soins. » Sa passion pour l’artisanat lui confère une capacité étonnante à transformer des matériaux simples en pièces uniques, chargées de sens.

L’entretien se prolonge autour d'une tasse de café, tandis que Toilha exprime son enthousiasme débordant pour le prochain festival d’art qui se tiendra à Mutsamudu en août prochain. Un événement qu’il considère avec impatience : « Je vais éplucher l’arachide sur place », souligne-t-il, avec humour, évoquant la possibilité de partager ses talents avec un public plus large. Cet artiste talentueux n'évolue pas sans contraintes. Alors que ses créations pourraient aisément être vendues à prix d’or sur d'autres marchés artistiques, notamment à l'étranger, la réalité des Comores impose une autre dynamique. « Si j’étais au Burkina Faso, mes mains me rétribueraient rubis sur l’ongle, des revenus sûrs », confie-t-il, le regard quelque peu amer. « Malheureusement, ici, je dois travailler au port comme agent de sécurité pour joindre les deux bouts.» Cette dualité entre sa passion créative et la réalité économique dynaste l'oblige à jongler constamment entre des activités qui ne sont pas toujours en adéquation avec son rêve artistique.

Né dans la ville de Mutsamudu, dans le fond phare de la médina où se loge son atelier caverne, dans la trentaine bien entamée, Daniel Toilha est un homme calme et respectueux. Nous avons eu le plaisir de lui rendre visite, le 20 mai 2025, l’échange a duré près de quatre heures, entre rires et réflexions autour de ce que représente l’art dans sa vie. L’atelier, bien que modeste avec ses huit mètres carrés, regorge d'une créativité palpable, capable de capturer l’attention de quiconque prend le temps de plonger dans son univers. Ce lien si intime entre l'artiste et son atelier est une représentation de son âme. Daniel Toimha, avec ses mains d'or, façonne plus que des objets. Il façonne des rêves, des espoirs, et peut-être, un jour, sera-t-il reconnu à sa juste valeur, bien au-delà des rivages de son île natale. En attendant, il continue de travailler, de créer et d’espérer, un peu comme un sculpteur modèle la pierre, transformant les défis de la vie en œuvres d’art dignes d’admiration.

Younes


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