Avec Les Trésors des îles au parfum, l’auteur comorien célèbre la richesse de l’oralité traditionnelle. Un travail de longue haleine nourri par l’enfance, l’enquête et la passion de transmettre.
Les éditions Kalamu des îles ont publié le 15 mars dernier, Les Trésors des îles au parfum, un recueil de contes et nouvelles signé Oubeidillah Maeva Dhoimir. L’ouvrage, qui rencontre un vif succès auprès du public local et de la diaspora, marque une étape dans la jeune carrière de l’auteur, cinq ans après la sortie de son premier livre jeunesse, Un amour qui miaule. Plus qu’un simple recueil, c’est un manifeste culturel qui revendique une littérature ancrée dans les traditions comoriennes, avec une touche de merveilleux, d’humour et de ruse. « Enfant, j’étais passionné et captivé par les récits populaires que je lisais dans les livres scolaires et ceux que me racontaient ma mère, mon regretté père, mes grands frères et sœurs », raconte Oubeidillah. Ce goût précoce pour les histoires ne l’a jamais quitté. Adolescent, il commence à écrire de petits textes mettant en valeur la culture comorienne, rêvant déjà de devenir un jour auteur.
En 2020, il publie Un amour qui miaule, un roman de jeunesse empreint de fantaisie. « Ce récit met en lumière l’amour inconditionnel entre une petite fille et son chat, avec une seconde partie où les chats se mettent à parler. Le ton est léger, plein d’humour, presque onirique, un peu comme Alice au pays des merveilles », explique-t-il. Ce premier ouvrage s’adresse avant tout à un jeune lectorat, bien que des adultes y retrouvent aussi les échos de leur propre enfance. Avec Les Trésors des îles au parfum, l’auteur s’attaque cette fois à un projet enraciné dans le patrimoine comorien. « Chaque texte s’inspire d’un conte, d’un proverbe ou d’un récit oral entendu ici ou là. J’ai mené un véritable travail d’enquête, recueilli des récits auprès de grand-mères, d’amis des quatre îles, enregistré, traduit, réécrit parfois. C’était un processus long, mais nécessaire pour faire vivre ces histoires à l’écrit », confie-t-il.
Le recueil explore des thématiques universelles à travers une lecture résolument comorienne : justice, sagesse, courage notamment féminin, ruse, vengeance et résilience. L’ensemble est ponctué d’expressions et de chants en shikomori. Dans « L’Histoire de Loulou », l’enfant gâté, le héros s’adresse ainsi aux oiseaux : « Ba Shimpanga, usile maele yantru ! », c’est à quoi ils répliquent : « Uzivendze Loulou, Uzivendze Loulou ; Uka darini Umwana, Wakolisiwa Umwana. » Autant de passages qui, selon lui, « ajoutent de l’authenticité et permettent de faire entendre la musique des langues comoriennes, sans alourdir le texte ».
Le proverbe « Eka nkudume katsuiha, nkuhu nce huiha », placé dans l’un des contes, célèbre le courage des femmes et témoigne de l’équilibre subtil entre fiction et transmission dans le recueil. « J’ai pris le temps de vérifier chaque mot, chaque terme en shikomori, pour respecter la langue, ne pas la trahir. Ce n’est pas de la nostalgie, c’est un geste littéraire, politique même », affirme-t-il. Les réactions du public ne se sont pas fait attendre. Le livre circule de main en main à Ngazidja, Anjouan, et bien au-delà. « Moi-même et l’éditeur recevons des commandes de France, de Madagascar, de la diaspora. Certains me disent : “Eh ben, Oubeidillah, vous en avez mis du temps pour nous publier cette merveille !” Cela me touche. Ce sont des histoires qui nous ressemblent », raconte-t-il avec modestie. Par son exigence, son attachement à la culture locale et sa capacité à réinventer l’oralité dans un cadre contemporain, Oubeidillah offre aux Comores une œuvre qui dépasse le cadre du simple divertissement. Les Trésors des îles au parfum est un pont tendu entre générations, un trésor littéraire pour les îles, et une invitation à redécouvrir ce qui, parfois, ne se transmettait plus que dans les silences.
Mohamed Ali Nasra
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