Présent aux Comores pour la quatrième fois, le poète et slameur franco-camerounais Marc Alexandre Oho Bambe parle à « cœur ouvert » de son impression et son vécu sur l’archipel ainsi que des liens fraternels qu'il a tissés avec un panel d’artistes du pays. Poète-slameur et écrivain engagé, celui qui rêve de « devenir écrivain », compte 7 œuvres à son actif dont des recueils de poésie, essais et même un roman. Échange avec « un assoiffé » des Lettres et des mots. Voici l’interview qu’il a accordée à La Gazette des Comores / HZK-Presse.
Question : 4e séjour aux Comores cette année, quelle a été votre impression la première fois que vous avez atterri sur les îles de la Lune?
Capitaine Alexandre: La première fois que je suis arrivé ici, c’était comme un rêve qui se réalisait. Je fais partie d’un collectif que j’ai créé, il y’a quelques lunes déjà en France (Rires…) et ce collectif s’appelle « On a slamé sur la Lune ». Pour nos dix ans, on s’était dit que ce qui serait bien et fort, symboliquement, pour les célébrer, c’était de venir aux Comores parce que cet endroit s’appelle l’archipel des Îles de la Lune. C'était donc comme un rêve qui se réalisait et cela grâce à la rencontre avec Da Genius. Et comme j’ai un rôle d’ainé, j’essaie d’accompagner des projets qui ont du sens et qui peuvent être des exemples pour nos jeunes. Un ami commun, Amal, m’a parlé de Gamil et de ce qu’il faisait, on s’est retrouvé à Abidjan au Massa. La première fois que j’ai frôlé le sol comorien, c’était pile avec les 10 ans de « On a slamé sur la Lune ». J’imaginais, je rêvais, j’envisageais tout ça et ça s'est réalisé grâce à ma rencontre avec Gamil. En plus, c’était le jour de mon anniversaire! Dès le premier jour, je me suis senti comme chez moi et depuis, j’ai pris l’habitude de venir. Aux Comores je me sens comme à Douala.
Question : Vous êtes un poète et slameur engagé qui a su jusqu’à ce jour, « briser les frontières ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
C.A. : Quand on a soif d’altérité, faim du monde, on a la chance de pouvoir dévorer le monde. Et manger le monde, c’est manger les imaginaires de ce monde, toutes les langues de ce monde. Et puis, c’est réaliser qu’en allant voir ailleurs si on y’est, on y’est aussi. C’est-à-dire que si je reste cantonné à une identité étriquée, je n’aurais jamais su qu’en arrivant aux Comores, je me sentirais comme chez moi à Douala. Cette idée de briser les frontières ou alors de considérer la frontière comme un lieu qu’on traverse pour aller se chercher et se trouver aussi chez les autres, est essentielle à ma poésie. Je considère que tous les poèmes mènent à l’Homme et je considère que la poésie est le moyen d’aller vers l’autre dans ce qu’il a de plus essentiel, de plus fragile et de plus précieux, c’est là son humanité belle. C’est dans ce sens-là que je dis « Brisons les frontières et décloisonnons nos univers! ». J’ai envie de continuer à briser les frontières et d’aller voir ailleurs si j’y suis et réaliser que j’y suis mais pas de m’enfermer. Pour moi et pour tous mes amis qui sont là pour la première fois, la spontanéité, l’immédiateté de la relation est incroyable.
Question : Avec d’autres slameurs comme Joey, Gaëlle ou Albert, vous avez fait vibrer la scène slam des Comores. Comment avez-vous vécu ces moments de partage ?
C.A : Nous avons vécu ces moments avec une intensité incroyable et une émotion qui nous a d’ailleurs tous conduit au bord des larmes tellement c’était fort. Il y’a quelque chose qui a été sublimé par le partage et la poésie. Tout ça m’a bouleversé car il y’a cette idée de briser les frontières. Il y’avait cette sensation qui nous disait que nous étions les mêmes, nous sommes ‘’sawa’’.
Question : Vous avez l’habitude d’évoquer les traits de similitude entre les Comores le Cameroun, Haïti et d’autres pays du monde, pourquoi ?
C.A : L’humain. Je pourrais parler pendant des heures du paysage, de la mer, de la verdure. Mais il y’a quelque chose de plus que ce paysage, c’est que quand je suis aux Comores, il y’a ce bout de mon enfance qui s’éveille car je suis né dans une ville d’eau. Comme je le dis, tous les hommes rient et pleurent de la même façon, les bruits des vagues, l’écume sont les mêmes partout. Nous sommes les mêmes.
Question : Quels sont vos projets avec les Comores et avec les jeunes artistes comoriens ?
C.A : Des projets, il y’en a tellement. Déjà avec Gamil, on a un morceau « Vis tes rêves » qu’on devait faire il y a déjà 3 ans. Mais grâce au festival qui est devenu un ‘’msafara’’ collectif, on va le faire. Il y’a des envies d’enregistrer un disque et on pense enregistrer les bases de cet album qui sortira en 2019 ici, on veut avoir des notes bleues dans cet album. On a été touché, on a chanté, on a slamé, on rappé, on a djamé, on a vécu et on va continuer à vivre parce qu’on a rien d’autre dans la vie, être vivant. Et pleins d’autres projets avec le CCAC pour équiper la bibliothèque à travers un partenariat avec ma fondation, avec ma sœur et mon frère. On va créer une dynamique et surtout espérer revenir souvent.
Question : Vous avez publié plusieurs œuvres dont des recueils de poésie et même un roman. Dites-noi en plus.
C.A : J’ai à mon actif sept livres dont un essai politique, de la poésie, un roman qui est une nouvelle aventure, un nouvel exercice. Tout ça me fait vieillir d’un coup (Rires…). "ADN" qui est un cri pour l’Afrique en hommage à Césaire et "Le Chant dès Possible" qui est une sorte de chanson. Comme je le dis, j’ai crié avant de chanter. Je veux aussi monter un projet économique, social et solidaire ici mais on aura l’occasion d’en parler.
Question : Prendriez-vous la nationalité comorienne si on vous la proposait?
C.A : (Rires…). Je suis déjà Comorien, je n’ai pas besoin de visa pour venir donc je dis ‘’Oui’’ tout de suite!
Propos recueillis par A.O Yazid
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