La Gazette

des Comores

Culture - Mode Habib Sagaf: « J’ai eu un déclic un jour où je regardais un défilé de Yves Saint Laurent »

Culture - Mode  Habib Sagaf: « J’ai eu un déclic un jour où je regardais un défilé de Yves Saint Laurent » © : HZK-LGDC

Agé de seulement 26 ans, Habib Sagaf est un jeune passionné d’art mais de la mode plus particulièrement. Après presque 7 années à l’extérieur dont deux à l’Ecole supérieure des arts et techniques de la mode de Tunis, cette pépite est revenue au bled avec une seule vocation : valoriser le patrimoine culturel des Comores, notamment la mode dont il voue une vraie passion. La Gazette des Comores / HZK-Presse est allé à sa rencontre.


Question : Depuis quand travaillez-vous dans la couture ?

 

Habib Sagaf : La mode a toujours été une passion depuis ma tendre enfance. J’ai préservé chez moi, des croquis de mode que je faisais à l’âge de 7 ans à peine. Cependant, je me suis réellement impliqué dans la création de mode et la couture depuis 2014 parallèlement à mes études de Gestion en Ressources Humaines au Sénégal. J’ai commencé par des concours de jeunes créateurs, l’un de ces concours m’a offert une certaine notoriété et m’a ouvert quelques portes. Il s’agit de Style Challenge, une télé crochet (Concours télévisé) sénégalais regroupant des jeunes créateurs venant de toute l’Afrique.

 

Question : D’où vous est venue cette passion ?

 

H.S : Je suis passionné depuis très jeune, je dirais que ma mère a joué un grand rôle. Elle suivait beaucoup la mode dans son style vestimentaire durant les années 90. Chaque jour était un défilé de mode à la mode, mais j’ai réellement eu un déclic un jour où je regardais un défilé de Yves Saint Laurent à la télé.

 

Question : Combien de défilés avez-vous organisé ou participé ?

 

H.S : Je pense avoir participé à sept défilés en tant que créateur de mode. Je suis assez réticent à l’idée de participer à quelques défilés de mode et c’est l’une des raisons pour lesquelles souvent je refuse certaines participations car pour moi, une collection ne doit pas être lancée à tout va. C’est tout un travail auquel tous les détails doivent être pris en compte. Je suis assez perfectionniste (rire). Cependant, j’étais au cœur de l’organisation d’une quinzaine de défilés de mode, je dirais, dont la ‘’Dakar Fashion Week’’, l’évènement de mode le plus médiatisé au Sénégal.

 

Question : En matière de tissus, quelle est votre préférence ?

 

H.S : Je déteste me fixer des préférences, c’est un peu comme se fixer des barrières, se poser des limites à l’exploration. Je vais vraiment au feeling. Quand je vais au magasin de tissus ou à la mercerie, je suis toujours un peu désorienté, parce que je trouve tous les tissus tellement beaux. Du coup je me lance souvent des challenges en travaillant avec des tissus avec lesquels je n’ai pas travaillé auparavant. Je vais même au-delà du tissu spécialisé pour le vêtement. L’année dernière à l’école de mode, pour un travail, j’ai choisi du ‘’Skaï’’ d’ameublement, une sorte de cuire artificiel réservé aux meubles.

 

Question : Vous préparez un événement, parlez-nous en.

 

H.S : Cette année, j’ai en projet deux ou trois événements aux Comores, liés à la mode. J’ai passé sept ans à l’extérieur sans mettre les pieds aux Comores. Arrivé au pays, je me suis donné pour objectif d’apporter ma part de contribution dans le domaine de l’art, particulièrement la mode. Et comme premier événement, je suis à l’organisation d’un ‘’Workshop’’ qui aura pour thème : « la Mode et les enjeux de l’industrie du textile aux Comores », il s’agit d’un atelier d’échanges avec des personnes souhaitant en connaitre plus sur l’univers de la mode et souhaitant donner ou apporter des idées de mise en valeur dans ce domaine.

 

Question : Qu’est-ce que cela vous fait de voir votre demande d’organisation à l’Alliance Française refusée ?

 

H.S : L’Alliance Française était en tête de liste des structures que je visais pour accueillir l’atelier d’échange sur la mode que je suis en train de mettre en place. J’ai été très déçu par l’accueil du Directeur, non pas à cause du refus, car il m’a fait comprendre qu’il n’était pas du tout intéressé. Mais l’approche qu’il a eue lors de l’entretien avec lui pour lui présenter mon projet, il manquait vraiment de délicatesse dans ses expressions, d’abord en qualifiant mon événement de ‘’non culturel’’ et m’a carrément fait savoir que la mode était un domaine qui ne l’intéressait pas du tout. Un moment donné, il m’a proposé de me faire louer une salle pendant que ça allait peut être me décourager mais j’ai demandé des renseignements sur les tarifs de la location. Il m’a demandé catégoriquement pourquoi je souhaitais à tout prix faire mon événement dans leur établissement, ce qui m’a réellement choqué. Cet atelier vise à rompre avec les clichés liés au métier de styliste, revaloriser l’image culturelle de l’univers de la mode et montrer le potentiel socio-économique de ce corps de métier. Et surtout dans tout ça, tout ce que j’attendais d’eux, c’est un accompagnement. L’Alliance Française a pour vocation universelle la promotion de la culture, il était évident pour moi de leur proposer cet événement, surtout que c’est un projet à but non lucratif. Je souhaite que le ‘’Workshop’’ soit en entrée libre. Au lieu de me démotiver, ce refus a réellement décuplé ma motivation. Je suis plus motivé et déterminé que jamais.

 

Question : Vous avez parlé d’une philosophie culturelle. Quelle en est la vôtre ?

 

H.S : L’échange, la valorisation et l’innovation sont des points phare dans ma philosophie. Ces points sont réellement importants dans la préservation d’une culture et j’y attache une attention très particulière. Notre patrimoine culturel doit être valorisé sur tous ses plans et l’innovation est un besoin indispensable au développement. Il en va de même pour le respect de l’identité artistique.

 

Question : Avec les nouveaux talents qui émergent dans le domaine que vous ambitionner tant et que vous dites vouloir progresser dans tous les angles, pensez-vous que la couture ou le style à un avenir prometteur aux Comores ?

 

H.S : Il y’a de plus en plus de jeunes qui s’intéressent à la mode aux Comores. Avec internet, les jeunes sont ouverts au monde et voient comment la mode est vraiment valorisée à l’extérieur. Malheureusement nous ne sommes pas arrivés à ce stade pourtant la mode fait partie de la vie quotidienne du comorien. Notre culture est tellement riche et métissé qu’on se retrouve avec des styles vestimentaires très variés. Ce qui serait intéressant c’est qu’il y’ait plus de ‘’Made in Comores’’ dans le vêtement. Quand je dis Made in Comores, ce n’est pas forcement porté des habits traditionnels mais porter des vêtements faits à partir d’une main d’œuvre comorienne.

 

Propos recueillis par A.O Yazid

 

Bio : Adam Sagaf, né Habib Sagaf est un jeune styliste et couturier comorien. Passionné d’art sous toutes ses formes, le jeune natif de Moroni a passé sept mois au Kenya où il dit s’être perfectionné en langue anglaise avant de partir au pays de la Teranga où il passe cinq bonnes années. D’abord en Sociologie (une année) avant de se tourner vers la gestion des ressources humaines. Parallèlement, Habib s’est impliqué en travaillant en tant que chroniqueur mode dans une des radios les plus écoutées du pays de Senghor, ‘’Vibe Radio Senegal’’ pendant un an, puis chroniqueur à Fashion Africa Tv, première chaine africaine francophone dédiée entièrement à la mode. C’est en 2016, que cette pépite de la couture poursuit des études en stylisme et modélisme à l’Ecole supérieure des arts et techniques de la mode, Esmod, à Tunis. Depuis il s’est installé aux Comores où il tente de tout faire pour valoriser le métier.

 

 


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