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Interview / Idriss Mohamed, membre de la société civile « Faire échec à Azali Assoumani en 2019 »

Interview / Idriss Mohamed, membre de la société civile  « Faire échec à Azali Assoumani en 2019 » © : HZK-LGDC

Loi d’habilitation, élections présidentielles, une candidature unique ou encore la sécurisation des élections, Mohamed Idriss, figure importante de la société civile s’est livré sans langue de bois. Avec comme principal leitmotiv, « faire échec au candidat Azali en 2019 ». Interview accordé à La Gazette des Comores / HZK-Presse.


Question: L’actualité politique a été dominée par le projet de loi d’habilitation, avec une très forte majorité parlementaire qui y était opposée, quelle analyse en tirez-vous ?

 

Mohamed Idriss: Azali Assoumani, veut nous faire faire un grand bond en arrière avec quelque chose qui ressemblera à une monarchie, ce qui demeure le véritable enjeu des batailles en cours, raison pour laquelle je félicite les députés. Ils ont tout intérêt à ce que le pouvoir ne soit pas monarchique, et de fait, ont développé un esprit républicain et c’est cet esprit là que je salue. Ceux qui font preuve de mauvaise foi sont ceux qui sont au pouvoir et qui veulent à tout prix y rester. Je pense que le président Azali a voulu couvrir son processus d’imposition de la monarchie par le parlement. Il a cru qu’il pouvait le faire mais il a échoué lamentablement.


Question: Le président va incessamment convoquer le collège électoral, comment sentez-vous les élections à venir ?

 

M.I: Face à cette détermination d’Azali d’avancer, coûte que coûte, que faire ? Jusqu’ici il y avait une tendance qui consistait à dire, nous refusons la constitution, nous n’irons pas aux élections. Mais en réalité, ne pas participer aux prochaines échéances serait faire un tort incalculable au pays.


Question: Vous avez appelé au boycott du référendum, n’était ce pas une erreur ?


M.I:
Le boycott du référendum était une nécessité. Si le chef de l’Etat avait un minimum de respect envers les institutions de ce pays, et de l’opinion publique, il aurait dû faire machine arrière parce que nous sommes conscients de ce qui s’est réellement passé le jour du référendum.


Question: Des élections anticipées auront lieu au premier trimestre 2019, le boycott sera-t-il toujours de mise, ou appellerez-vous à une participation aux prochaines échéances ?


M.I:
Nous devons participer aux élections. Et pour cela, il faut que toutes les tendances de l’opposition s’organisent pour envoyer un candidat unique. Une candidature unique qui peut recueillir l’adhésion du plus grand-nombre afin de faire échec à Azali. Cela veut dire qu’il y a toute une bataille à mener autour de ce choix mais aussi pour que se tiennent des vraies élections.


Question: Justement, selon quelques indiscrétions, l’Union de l’opposition s’apprêterait à opter pour un candidat commun...


M.I:
Ce ne serait pas une mauvaise chose mais si cela ne concerne que l’Union de l’opposition, je ne vois pas le pays se mettre derrière une personnalité choisie par ce conglomérat de partis. Par ailleurs, c’est une discussion qui devrait être ouverte à tous, s’ils ont du mal à en parler, cela dénote un problème.


Question: Selon vous, comment ce choix devrait il être opéré ?

 

M.I: Pour qu’une candidature soit soutenue par la majorité, il faut qu’il y ait un débat général autour de cette question, laquelle devra incarner tous les opposants. Le problème des membres de l’Union de l’opposition, c’est qu’ils jouent à cache-cache entre eux ; autre problème la concernant, elle n’a pas de chef crédible qui s’impose à tous. Et puis l’union de ces partis ne repose sur rien, aucun document consacrant leur unité n’existe, ils sont juste opposés au pouvoir en place. Il y a des gens qui ont déjà annoncé leur candidature, et ils ne se retireront pas parce que l’Union de l’opposition aura désigné le sien. Je pense donc qu’il faut trouver une formule qui permette à tout le monde de se rassembler, qui consisterait par exemple à une conférence des opposants, avec la mise en place d’une commission pour régler toutes les questions liées aux élections, devant être composée d’hommes et de femmes qui ne sont pas partisans et qui sont connus pour leur attachement au pays. Et de là, établir le profil idéal et que le choix s’opère à partir de ce dernier. Son échec est dû principalement au fait que le décompte des voix dans les bureaux de vote se faisait en temps réel, en publiant par la suite, les résultats bureau de vote par bureau de vote.


Question: Avez-vous mené des consultations ?


M.I:
J’ai consulté des anciens hauts dignitaires de ce pays qui ne sont pas partisans, qui s’expriment de temps en temps sur les grandes questions nationales. Je m’apprête aussi à aller voir les leaders de l’Union de l’opposition et les autres opposants qui ne se reconnaissent pas dans celle-ci.


Question: Le système électoral est verrouillé que ce soit au niveau de la Ceni, la Cour suprême. Pensez-vous réellement qu’un candidat puisse aujourd’hui battre Azali Assoumani aux prochaines élections ?

 

M.I: Je le pense fortement tout comme je pense que c’est un combat qu’il faut mener. Nous pouvons pour ce faire, nous inspirer de ce qui s’est passé lors des élections gubernatoriales sous Azali I durant lesquelles le candidat qu’il soutenait s’est fait battre. Son échec est dû principalement au fait que le décompte des voix dans les bureaux de vote se faisait en temps réel, en publiant par la suite, les résultats bureau de vote par bureau de vote. Il y a des doubles des procès-verbaux aussi à détenir, et si la fraude s’effectue au niveau du système de centralisation, nous aurons quand même les éléments en notre possession, à moins d’un passage en force. Donc, oui je pense que nous pouvons battre Azali.


Question: Quelles solutions pour lutter contre la fraude préconisez-vous ?


M.I:
Le décompte à voix réel, mais aussi un candidat crédible qui rassemblera derrière lui, une très grande force populaire, nous obtiendrons par le peuple, la sécurisation de ses voix. Il faut aussi qu’on se batte pour obtenir une sécurisation par une force internationale. Nous l’avons déjà eue en 2006, ce ne serait pas une première. Nous pouvons ne pas l’avoir et de toutes les façons, nous devons d’abord compter sur nos propres forces. Certains semblent plus vouloir compter d’abord sur la communauté internationale alors que moi je pense qu’il faut d’abord compter sur nous, si la communauté internationale s’implique, ce serait un plus. Mais il faut d’abord compter sur nos propres forces.


Question: Sur un tout autre sujet, le pouvoir central a procédé mardi à l’investiture officielle de l’administrateur d’Anjouan, Abdallah Mohamed. Que pensez-vous de l’incarcération du gouverneur d’Anjouan et des charges retenues contre lui ?


M.I:
L’incarcération du gouverneur Salami est un drame national. Le président a réussi à le faire sans créer des troubles à Anjouan, et selon moi, c’est la meilleure traduction de la crise profonde dans laquelle Azali a entrainée ce pays. J’ai été heurté que mardi lors de son discours, il avance comme preuve de sa culpabilité, le fait que le gouverneur se soit rendu. On voit bien que cette culpabilité ne repose sur rien mais une création du pouvoir pur et simple. Je suis complètement attristé et indigné par l’incarcération de Salami.


Question: Ne regrettez-vous pas d'avoir appelé à voter pour Azali ?


M.I:
Pas du tout. En plus ce qui ressort, c’est qu’Azali nourrit une révolte en faisant ce qu’il fait, une possibilité qui s’ouvre pour ceux qui veulent réellement faire changer les choses. Avec l’autre-là, il ne se passait rien. Notre pays est à bout de souffle, après 43 ans d’existence, les conditions d’existence des citoyens se détériorent, nous perdons notre identité, le pays se dissout, la coupe est pleine et Azali peut faire déborder le vase à force de pratiques autoritaristes et irrespectueuses des lois.


Propos recueillis par Faïza Soulé Youssouf

 

 


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