La Gazette

des Comores

Un grand Conseiller de la nation vient de nous quitter

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Un grand Conseiller de la nation vient de nous quitter © : HZK-LGDC

Il est 2 heures du matin, je me réveille avec un fort sentiment que quelque chose de grave s’est passé cette nuit. Je regarde la lune qui déclinait vers le couchant. Elle était rousse avec un grand halôt couleur d’or. Le matin en apprenant le décès de Said Hassane Said Hchim, je me rappelais alors d’une histoire que m’avait racontée un ami dans laquelle la lune rousse avait été le signal de la mort du prince Saidina, frère du Sultan Said Ali, à un des neveux qui se trouvait loin de Moroni.


La vie de Son excellence feu Said Hassane Said Hachim, vient démentir comme une exception qui confirme la règle, l’adage de chez nous qui dit : « Mri Mwema ka uhomo Msiruni ». Said Hassane Said Hachim fut un bon arbre et il a vécu plus de 90 ans. Je le compare volontiers au cocotier même s’il avait quelque chose du Baobab par sa résistance aux vents mauvais de la corruption.

Cocotier Said Hassane l’était, car tous ceux qui l’ont approché ont bénéficié de sa générosité en paroles et en acte. Le hasard faisant que je porte à une, syllabe près, le nom de son cheikh préféré Cheikh Aboubakr Bin Salim, fahari L’udjud ajoutait, il m’affectionnait et me considérait comme un de ses fils à cause de cela, mais aussi à cause de son amitié avec mon père et mon beau père le père de ma femme.

Il était l’ami des plus humbles comme des plus riches et son salon ne désemplissait pas. Un jour où je me trouvais dans sa modeste maison de Moroni Zilimadjou, je fus étonné de voir venir un photographe bien connu mais pas très riche, lui apporter un cadeau. Un autre jour j’assistais à une autre scène tout aussi étonnante, l’arrivée incognito sans gyrophare ni motard d’une première Dame, venu demander des Conseil pour son président de mari. Ces deux évènements illustrent bien la personnalité de Mbaba Hachim comme on l’appelait dans la famille.

Généreux et bienveillant il suivait à la lettre le précepte musulman du don qui préconise que ce que la main droite donne, la main gauche ne doit pas le savoir. Sa générosité était parfois gênante, car il était capable de donner le dernier billet qu’il avait en croyant fermement qu’il allait recevoir dix fois plus comme l’a stipulé le hadith du prophète, et cela arrivait. 

Homme généreux et bienveillant envers tous et toutes, Said Hassane Said Hachim était d’une culture politique étonnante, acquise sans doute par sa fréquentation du grand monde Parisien et Comorien, mais aussi par ses lectures assidues de tout livre politique qui sortait en France. Il m’a confié qu’il avait chargé un de ses enfants de lui faire parvenir toutes les nouveautés du livre sur la vie politique française. De nombreuses lettres manuscrites dans ses archives témoignent éloquemment de ses fréquentations assidues des grands de ce monde aussi bien Européens qu’Africains. Sa lettre à Mandela à sa sortie de prison est un chef d’œuvre de style, d’admiration et de sagesse. Pour ne citer que celle-là.

L’ambassadeur Said Hassane Said Hachim, même à la retraite est resté diplomate au fond du cœur. D’où son penchant pour la conciliation et le consensus, et ce jusqu’à la fin de sa vie. Chacun se rappelle de ses derniers cris d’alarme envers les autorités dirigeantes et sa demande persistante d’une table ronde pour la réconciliation nationale.

On peut s’étonner et se demander comment un homme qui a arrêté ses études au primaire, pouvait écrire si bien dans un style élégant et limpide. Je pense et c’est une grande leçon pour nos jeunes scolaires que c’est à force de lire que Said Hassane Said Hachim a su si bien écrire.

Parlant de la jeunesse, Said Hassane Said Hachim avait un profond respect pour elle, conscient qu’il était qu’un jeune bien formé et bien éduqué  constitue à lui seul un trésor pour son pays.

Sa fierté était d’avoir éduqué ses enfants sans aucune aide de l’Etat et que tous et toutes aient atteint des niveaux universitaires honorables. Il aimait dire qu’il préférait construire l’avenir que construire des villas.

Parmi ses projets phares de ses dernières années, se trouvait un séminaire regroupant 150 jeunes environ, réunis pendant deux ou trois jours dans sa résidence de Missuri à Foumbouni pour réfléchir sur le rôle des cadres et intellectuels de ce pays dans le développement. Il avait sans doute buté sur les aspects budgétaires, mais il était aussi trop pris par sa grande préoccupation de la situation politique nationale.

Mon rêve avait été d’écrire sa biographie de son vivant. Une première tentative a échoué malgré la connivence de son fils, un de mes anciens élèves, Maitre Said Mohamed Said  Hassane Said Hachim.

Il avait avancé l’argument plutôt bizarre que De gaule était mort aussitôt ses mémoires rédigés. Cela correspondait bien à l’homme qui ne faisait pas un secret de la peur de la mort, qu’il affichait en public par moult plaisanteries quand l’occasion lui était donnée à chaque qu’il parlait en public.

Cela ne l’empêchait pas de la préparer et peut être même cela l’aidait-il à la préparer.

Infatigable, je suis revenu à la charge avec une de ses nièces pour faire la même demande. Cette fois ci il nous a donné son accord et commençait à poser la question du tri de ses riches archives.

Avec la permission de ses héritiers et héritières, ce sera avec fierté que ma collègue et moi nous attellerons à cette noble tâche comme un service à la Nation.

Mes sincères condoléances à sa famille, ses amis et à la nation comorienne toute entière qui vient de perdre le meilleur lanceur d’alerte pour le bien de la population.

 

Aboubacar  Ben Said Salim

 


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