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Libre opinion : Sambi et la loi, ou quand on cherche à hisser un homme au-dessus de la loi

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Libre opinion : Sambi et la loi, ou quand on cherche à hisser un homme au-dessus de la loi © : HZK-LGDC

Le principe qui veut que loi soit générale et impersonnelle signifie tout simplement que la loi s’applique à tous et indistinctement. Personne n’échappe à ce principe, même quand celle-ci est un ancien président de la République et s’appelle Ahmed Abdallah Mohamed Sambi. Pourtant, il est une fâcheuse habitude qui prend des proportions inquiétantes qu’à chaque rapport de l’ex-président Sambi avec la loi, des voix et des plumes viennent clamer des entorses et se prêtent, sans la moindre gêne, à dévoyer celle-ci à son profit.


Ce fut le cas, hier, quand celui-ci s’était employé à s’accaparer du tour des originaires de l’île de Moheli de gouverner le pays. De même, quand il s’était arrogé, au forceps, une année supplémentaire au terme de son mandat. Ou quand celui-ci avait encore tenté d’imposer sa candidature aux élections présidentielles de 2016.

 

Aujourd’hui encore, quand il est rattrapé par les affaires louches liées à la vente de la citoyenneté économique à des étrangers et inculpé de corruption, de détournement de deniers publics, complicité de faux et usage de faux, on s’emploie, non sans mal, à faire croire que le dispositif pénal prévu pour régir la procédure et sanctionner la corruption et le détournement des deniers publics en Union des Comores ne lui est pas applicable.

 

On s’efforce, à coup de théories juridiques galvaudées, rafistolées et déviées, à le disculper avant tout procès, à le rendre impunissable, donc à lui accorder une immunité en matière criminelle. On soutient avec véhémence et à tort et à travers, que la loi sur la transparence des activités publique, économique, financière et sociale, cette loi adoptée sous son règne en 2008 et modifiée sous celui de son poulain en 2013 qui réprime la corruption et le détournement des deniers publics, n’a pas vocation à s’appliquer dans cette affaire au prétendu motif que la commission anti-corruption n’existe pas, que son application serait rétroactive et qu’elle violerait la présomption d’innocence.

 

De grâce, mais depuis quand la corruption et le détournement des deniers publics ne sont-ils pas pénalement répréhensibles ? Depuis quand la subordination d’une liberté provisoire au dépôt d’un cautionnement constituerait-il une violation de la présomption d’innocence ? Alors que l’intérêt propre de ce cautionnement est de justement garantir que le justiciable bénéficiant de la liberté provisoire ne fuit pas la justice pour la suite de la procédure.

 

En quoi la disparition de l’éphémère et inefficace commission anti-corruption empêcherait-elle la justice comorienne de faire son travail de poursuite, d’instruction et de jugement des délits de corruptions et de détournement des deniers publics ?

 

Il faut noter que l’application des mesures de sûretés édictées par la loi sur la transparence des activités publiques de 2013 sur des poursuites déclenchées en 2018 n’enfreint en rien le principe de non rétroactivité de la loi ; Car en matière pénale, les lois de nature procédurale lato sensu, comme les lois de compétences et d’organisation judiciaire, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de procédures, ainsi que les lois régissant la prescription, s’appliquent à des infractions commises antérieurement à leur entrée en vigueur et qui n’ont pas encore fait l’objet de jugement. La rétroactivité n’est interdite que pour les lois pénales de fond, celles qui édictent les peines qui seront prononcées au terme du procès.

 

Pour le cas de l’ex-président Sambi, il s’agit des dispositions de forme, donc de procédure,  qui s’appliquent à des mesures de garanties et de suretés, en l’occurrence sa détention provisoire et le cautionnement qu’il pourrait verser au bénéfice de la liberté provisoire, et non des peines prononcées par une juridiction de jugement. Dans ce cas, rien n’interdit la loi relative à la transparence des activités publiques, notamment ses dispositions régissant la garde à vue, la détention provisoire, le cautionnement et la prescription, de s’appliquer à des infractions commises antérieurement à son entrée en vigueur.

 

Mettons-nous d’accord sur une chose : Ahmed Abdallah Mohamed Sambi n’est ni la République, ni l’île d’Anjouan. C’est un justiciable comme les autres. Il n’est pas au dessus de la loi et aucune doctrine juridique ne peut le hisser au-dessus de la loi. Parce qu’il est inculpé de corruption et de détournement de deniers publics, il est tout à fait normal qu’il soit poursuivi et jugé conformément aux prescriptions de la loi pénale qui réprime la corruption et le détournement des deniers publics. Il appartient à la justice comorienne de lui garantir un procès équitable et à lui et à ses conseils de prouver son innocence.

 

Abdou elwahab Moussa, Maitre de Conférences à l’Université des Comores, Avocat au Barreau de Moroni

 

 


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