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Comores, 45 ans après notre indépendance, peut-on encore être optimiste ?

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Comores, 45 ans après notre indépendance, peut-on encore être optimiste ? © : HZK-LGDC

« Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte ; une civilisation qui ruse avec ses principes et ses institutions est une civilisation moribonde. » (Aimé Césaire discours sur le colonialisme, éditions présence Africaine Paris 1973)


Au fond de nous-mêmes, j’en suis sûr, nous nous posons tous, consciemment ou non, la même question : peut-on encore être optimiste sur le devenir de notre pays, après quarante-cinq ans d’indépendance, en dépit de la misère (matérielle et morale) qui est notre lot d’aujourd’hui ? Ce pays est-il en train d’aller vers le mieux, en dépit des apparences ? Concrètement nos enfants connaitront-ils moins de difficultés, moins d’instabilités politiques, moins de dictature familiale et du pouvoir personnel, moins de souffrances, moins d’humiliation, moins de malheurs, moins d’obscurité et de délestage, moins de chômage, moins de haine et de la colère de la part des gouvernants, bref un peu plus d’espoir pour un lendemain meilleur ?

Pour ma part, nonobstant l’impression contraire qu’ont pu donner certains de mes articles de presse, je suis résolument optimiste. Je n’ai aucun doute sur l’évolution favorable de notre pays tout au long des prochaines décennies quelles que soient les bêtises que feront consciemment ou inconsciemment nos mauvais dirigeants notamment nos gouvernants mal élus. Voici mes raisons, ou plutôt ma raison.

Les pays développés, les organismes internationaux, les pays arabes, les pays amis seront obligés de nous aider à nous en sortir. Non par vertu-il ne faut pas rêver mais par nécessité. Dois-je vous rappeler Jean Jacques ROUSSEAU auteur du contrat social :  « vouloir contraindre un homme fort et robuste à bégayer dans un berceau que de vouloir rappeler les grandes puissances, les petites vertus des petites républiques. » oui les pays riches doivent désormais nous aider, nous comoriens, nous africains tout simplement car les frontières qui séparent les pays les uns des autres ne sont plus des murs infranchissables, mais en dépit des visas et autres règlementations restrictives, des passoires.

D’abord pour l’information : la presse écrite, mais surtout la radio et la télévision, c’est-à-dire la voix et l’image, font que chacun de nous, fut-il illettré et isolé, sait instantanément ce qui se passe à l’autre bout de la planète. Déformée ou non, l’information circule et avec elle, les idées, les modes de pensée, les désirs. Les nantis voient les miséreux et leur misère ; les démunis peuvent regarder les images des nantis et de leur prospérité. Par exemple Mayotte et les autres iles de l’archipel, notamment Anjouan, ne sont séparées que par un bras de mer. Le franchissement de cours d’eau est aussi difficile que celui du mur de Berlin avant sa chute en 1989, mais des milliers de comoriens sont passés et d’autres milliers le feront quoi qu’il leurs en coûte.

Au moment où j’écris ces quelques lignes, nous sommes le dimanche 15 novembre 2020. Radio France internationales (RFI) annonce que les pays d’Europe du sud et la Turquie continuent de s’envoyer des immigrés clandestins devant leurs frontières respectives. Devant cette tragédie humaine, je continue de croire que ces migrations sont les produits d’effarantes disparités : en deçà d’une frontière, il y a le chômage et la misère, au-delà, il y a du travail-fût-il clandestin et les miettes de l’abondance. L’appel est irrésistible.

A cette intolérable disparité économique s’ajoute le déséquilibre démographique qui s’accentue inexorablement, décennie après décennie. En cette fin d’année 2020, les institutions internationales les plus sérieuses notamment, l’OMS, le PNUD, la FAO, relèvent que notre planète compte désormais sept milliard d’êtres humains dont six milliard pour les pays dits du SUD où domine la pauvreté et un milliard pour les pays industrialisés, développés et riches.

Il ne s’agira pas d’un « plan Marshall », lequel véhicule, lui, le concept d’aide aux amis pour le remettre debout et les conserver mais d’un « Neau-Deal », c’est-à-dire d’un partage plus équitable avec « les damnés de la terre » d’hier et d’aujourd’hui dont on se résout à faire les partenaires de demain. Est-ce à dire qu’il suffit aux comoriens de « faire la planche » et d’attendre ? Non, bien sûr, car on ne partagera pas avec tout le monde et surtout pas avec les adeptes du moindre effort.

On partagera d’abord avec ceux qui seront préparés que les autres à se joindre à la mince caravane du développement pour en grossir les rangs. On a déjà commencé à le faire avec ceux qu’on appelle les nouveaux pays industriels (NPI) : Corée du sud, Taiwan, Malaisie, Singapour, Hong-Kong, etc… On le fera demain avec d’autres petits pays y compris le nôtre, Union des Comores. Pour cela, nous devons travailler, prendre les bonnes décisions pour retrouver grandeur, puissance et dignité.

 

Professeur Djaffar MMADI Universitaire Ancien Ministre

 


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